Réunion familiale

-Mathias? Mathias?

À l'aube d'une journée pluvieuse, Mathias se réveilla aux syllabes de la voix qui lui semblait familière. Dépeigné et torse nu sous ses draps, il tenta de retomber dans les bras de Morphé pour prolonger sa sieste.

-Debout, jeunôt! Il ne serait pas temps pour toi d'être éveillé?

Près de six ans s'étaient écoulé depuis qu'il avait entendu la discorde l'appeler de la sorte. Bondissant hors de sonde son lit, il enfila prestement son chandail et son trench-coat et posa son paravent facial avant d'ouvrir la porte de sa chambre. Son bureau était une épreuve de survie contre le temps lui-même. Le verni des murs était en piteuse état. Le recouvrement du plancher s'arrachait par parties. Un bureau solitaire était au centre de la pièce couvert de papiers et d'un ordinateur relativement vieux. À la gauche de sa porte, à près d'un mètre était installé un frigo cadenassé sans davantage d'explications. Un poster osé en anime planté sur le mur de droite sous un sofa orienté vers une télévision encore ouverte complète le décor.

-Vous ne savez pas lire! Le bureau est ouvert à onze heure. Onze! Deux Uns!

Devant la porte, vêtu d'un imperméable vert avec un chapeau à la Gilligan assorti entouré de vitraux inondés de pluie se tenait un homme qui lui semblait connu sans pour autant être désiré. Il retira son chapeau et le tordit devant lui pour le sécher un peu de toute cette eau révélant finalement un visage redouté par le mercenaire. Les cheveux en périphérie de sa rosette avait pris du gris, mais sa moustache caractérielle et son monosourcil ne pouvait rien si ce n'est que sonner une cloche pour Mathias. Six ans s'était écoulé depuis sa dernière rencontre avec ce personnage: Derek Lowning.

-Tu parles d'un sale gamin qui s'est levé du mauvais côté du lit. Pas plus heureux que ça de voir ton vieux père? dit-il avec un sourire présidentiel.

-Derek... tu sais l'an passé où je t'ai dit que je ne voulais plus te voir toi et Ashline? J'étais sobre, répondit Mathias avec un nuage d'orage apparaissant métaphoriquement sur sa tête.

L'ex-paternel, tout enjoué à son entré, vit sa bonne humeur fondre comme neige au soleil pour faire place à un visage plus solennel. Il se dévêtit et accrocha son imperméable sur une patère métallique à proximité de la porte, révellant un costume des plus formelles qui était pour lui un uniforme quotidien. Il plongea sa main dans une des poches internes et retira une enveloppe scellé d'un insigne étrange. Voyant les documents, il s'installa derrière son bureau et accota son menton à travers son manteau pour laisser son visage dissimulé.

-Tu es venu ici pour me faire gagner un peu de blé? Au nom de qui? demande-t-il en levant le sourcil.

-Tu as entendu parlé de Dawnfall? Il montra l'enveloppe.

-Je ne suis pas dans l'humeur pour les vacances. J'ai du boulot, répondit-il en fermant les yeux et croisant les bras. Toi, tu ne te fais plus jeune jeune. Je t'offre ma place.

-Toujours aussi impoli... n'écoute-tu dont pas la télévision?

Mathias soupira et regarda vers la droite où il avais laissé son poste de télévision allumé. De ce dernier était visible une console indiquant sa mise en tension par une lumière bleu dans le coin supérieur droit de l'interface. La partie était encore sur pause, mais le son avait été baissé pour ne pas réveiller prématurément l'exterminateur.

-Des jeux vidéos? Tu n'en avais pas quand tu étais jeune. C'est ta nouvelle passion?

-Tu gaspilles ta salive: je n'ai pas envi de rattraper le temps perdu. Viens-en au point et vite! dit Mathias en s'impatientant.

-Dawnfall est la ville dans laquelle a été répertorié la plus grande concentration de monstres selon les dernières analyses. Si tu te renseignait moindrement sur tes cibles au lieu de te prendre pour un adolescent. Lève-toi de tes lauriers! dit Derek en crescendo.

Le ton dominant de son père eut l'effet de lui rappeler le contrôle qu'il avait eu autrefois sur lui, contrôle qu'il, pour sur, ne voulait plus lui laisser. Il se leva et alla s'installer devant sa télévision et réamorça sa partie. Derek soupira en déception face à la réaction de son ex-progéniture. Il alla derrière la télévision et posa sa main sur la console. Un bruit interruptant la partie de Mathias retentit.

-Ne me dérange pas, dit-il sans bouger ses yeux du centre de l'écran du téléviseur.

-Tu sais, tu me déçoit comme fils. Je croyais que tu t'étais mis à chasser les monstres pour te rallier à notre cause, ta mère et moi. C'est très hypocrite de ta part de réaliser un tel contrat.

-C'est bien là le dernier lien génétique que je partage avec vous: L'hypocrisie politique.

Derek sembla troublé. Son visage se plissa de rides plus importante que celles apportées quotidiennement par l'âge. Il pressa sur la console et la fit glisser à droite du téléviseur. Mathias fixa le bijou technologique s'écraser... dans une pile de linge sale. Elle était intact à 100%. Il réamorça la partie sans plus porter attention.

-Les politiciens sont les pierres angulaires de ce monde. Sans eux, ca serait l'anarchie et le chaos qui envahirait le monde et l'approcherait de sa destruction imminente. Il faut des dirigeants pour diriger! Et... Erk.. Ton bureau est une véritable porcherie. Comment fais-tu pour avoir des clients dans une salle pareil? Ils sont tous sourds, aveugles, aphone et incapable de sentir?

Mathias, ayant posé ses yeux sur sa partie ne les quitta pas d'une seconde, à peine si le clignement de ses paupières ne réhydratait pas occasionnellement ses yeux rouges qui, selon ce qu'il disait à tout le monde, avait été exposé à une eau chloré d'une piscine sur-entretenue. Ses lèvres se mirent à remuer visiblement malgré son paravent cachant ses canines disproportionnées en donnant une réponse:

-Les politiciens sont des tyrans à en devenir. Ils ne sont rien que des marionnettes d'un pouvoir dont ils n'ont aucune maitrise. Ils se cachent derrière l'opinion publique en justifiant que les puissances divines ou une population plus grande que celle qu'ils tentent de soumettre sont derrière eux et les appuient de tout coeur. Ce n'est pas la peine de me faire voir ta vision des choses, Derek, ta vision est périmé par le temps ou les monstres n'existaient pas. Pour ce qui est de mon bureau, cela n'a peu d'importance. J'ai le monopole ou du moins l'oligopole de la chasse aux monstres. Si mes clients sont ici, c'est pour un travail accompli. Les héros sont rares dans ce monde. Les combattants sont des héros. Toi, tu n'es qu'un roi injustement troné par la peur que te confère un peuple que tu ne peux aider.

Aussi impressionnant eut paru Derek face à son discours, Mathias ne réagissait pas. Sa réplique était tiré d'un discours dans un jeu où Yukimura Sanada, un héros de la guerre civil japonaise s'adressait à Hideyasu Tokugawa. Il avait simplement changer quelques mots pour rendre au texte la saveur désirée. L'homme derrière la télévision était gonflé par les commentaires irespectueux de celui évaché dans un sofa jouant à un jeu.

-Très bien, Monsieur le Héros, alors, j'estime que ce dernier devrait au moins regarder ce que la S.A.M.E.G.G. donne comme prime par monstres éliminés. Je ne l'ai pas ouvert, mais sait-on jamais combien ont-il pu dégager comme budget pour cela.

Mathias mit son jeu sur pause et se leva en déposant sa manette sur ce qui lui tenait place de chaise.

-De un, je n'ai pas confiance en toi et tu le sais pertinemment. De deux, les organismes avec des noms acronymes sont d'ordinaire des entreprises à but non-lucratives de hippie qui n'ont jamais de cash pour rémunérer mon travail. Alors, traduit. Qu'est-ce que ca veux dire?

-Société Anti-Monstre Exigeant Génocide Global. C'est une organisation ayant pour but de convaincre l'O.N.U. de la menace imminente que représente les monstres. Parmi cette force, nous avons rallié des politiciens d'influences un peu partout en Europe et en Afrique. Cinquante pour cent de leurs budgets sont redirigé dans l'encaisse de cet organisation. Ces pays paye le gros prix de leurs avancement pour que TU fasse ton travail. Toi et les autres exterminateurs.

Mathias ouvrit la lettre sans plus de cérémonie. Le montant de prime était assez claire. Les tarifs étaient subdivisées en niveau du monstre dont il demandait la tête. De 1 à 5, les primes augmentaient de façon exponentielles. De surcroit, il était libre d'ouvrir un bureau à Dawnfall. Selon les indications, il pourrait être potentiellement payé deux fois, une prime par la S.A.M.E.G.G., une fois par un client privé. Ses actions gratuites porteraient fruit d'au moins une prime de 100$ à 5000$ par tête. Il y avait là de quoi lui donner une vie de Pasha. Bien que métaphorique, une odeur de capital flottait dans l'air.

-Alors? J'ai ton intérêt.

S'il acceptait, il devenait un gamin qui courait dans les jupons de son père. Il ne voulait pas simplement accepter et lui donner raison. Fierté, vice ou simple respect de soi, il ne pouvait autoriser une telle capitulation. Il avait un rang national, c'était temps pour ce rang de lui rapporter plus que ce qui était indiqué sur cette prime.

-En plus de cela, je veux un toit prêt à mon arrivé. Je veux également mes affaires transportées intactement et sans inspection. Je veux voyager en avion, mes armes attachées à ma ceinture, qu'il ne quitte pas ma vigilence pendant tout le vol.

Derek vit l'abus de demande qu'exigeait son ex-fils. Il prit la lettre des mains de Mathias, se saisit de son manteau qu'il n'avait déjà plus raison de porter la pluie étant terminée et prit la porte en fracassant violemment.

-Tu as voulu être trop gâté. Je ne t'ai pas élevé ainsi!Tu n'auras pas un rond, tête d'â-

Son charabia fut interrompu alors qu'un objet, un combiné de téléphone, fracassa le vitrail de la porte. Il soupira en voyant qu'il avait quitté juste à temps. Un bruit suspect lui rendit soudain tord. Les joints de la porte s'étaient décrochés. Celle-ci s'affaisa tranquillement et s'écrasa sur le personnage si désagréable à Mathias. À plat ventre, il sentit un poid s'appliquer sur le centre de son dos. Mathias fit un bond sur la porte et alla ramasser la lettre qui avait virevolté jusqu'à une flaque d'eau à deux maitres de la figure patriarchale.

-Finalement, je vais accepter ce contrat sans additif. Ce spectacle était des plus agréables en boni de paiement.

Son sourire s'élargit au point de rendre visible ses zygomatiques au delà de son paravent facial.